L’alcool est communément appelé « drogue sociale ». Comme toutes les drogues, l’alcool active le circuit de la récompense, ce qui explique les effets d’euphorie et de plaisir, qu’il engendre. Malheureusement, parmi les nombreux organes qui sont affectés par la consommation d’alcool, figure le système nerveux, et en particulier sur les structures impliquées dans les processus de mémoire.
L’alcool est la drogue la plus répandue et la plus consommée par l’homme. Sa consommation constitue un phénomène culturel, et occupe une place importante dans nos relations sociales. Boire un verre d’alcool seul ou entre amis(es), est entré dans les habitudes. Et pourtant, cette consommation « social » d’alcool, si elle n’est pas prohibée, peut conduire à des problèmes importants de santé. D’ailleurs, l’organisation mondiale de la santé (OMS), classe l’alcool parmi les causes de décès importantes à travers le monde.
L’alcool favorise la mort des cellules cérébrales
En pénétrant dans les cellules cérébrales, l’alcool augmente les processus inflammatoires. Le stress oxydatif qui en découle, a pour conséquence une dégradation de différentes protéines essentielles au bon fonctionnement du neurone, et même de l’ADN. Cela favorise la mort des cellules aussi bien dans le cerveau que dans le cervelet (petit cerveau, situé à l’arrière du crâne).
Les effets de la consommation l’alcool sur la mort des cellules cérébrales, varie en fonction de l’âge et de la dose absorbée. La mort des cellules cérébrales s’observe clairement, à partir d’une consommation journalière de 6 verres d’alcool. Le volume du cerveau peut ainsi diminuer de 10 à 15 % chez les très gros buveurs, après 10 à 15 ans.
L’effet toxique de l’alcool génère une destruction de 2 à 3 fois plus de cellules cérébrales, dans le cerveau des adolescents que dans celui des adultes.
En effet avant l’âge de 21 ans, le cerveau n’a pas terminé sa maturation. Or, la consommation d’alcool pendant l’adolescence endommage son développement de manière irréversible, et prédispose largement à l’alcoolisme à l’âge adulte. D’ailleurs c’est l’une des raisons pour lesquelles, les États-Unis interdisent l’achat, la vente, et la consommation d’alcool aux moins de vingt et un ans.
Mais, l’effet le plus grave concerne certainement le fœtus. Les femmes qui boivent de l’alcool durant la grossesse, provoquent une intoxication passive du fœtus. Cela va accroitre le risque de voir apparaitre le syndrome d’alcoolisation fœtale qui est la première cause de handicap mental non génétique de l’enfant.
Chez des buveurs modérés mais réguliers, l’IRM cranio-encéphalique a permis de mettre en évidence la mort des cellules cérébrales. Ceci a pour conséquence une réduction globale du volume cérébral.
Une équipe de l’Université de Pennsylvanie a observé les IRM cranio-encéphaliques de 36 678 personnes, avec des consommations d’alcool allant de faible (une à deux unités par jour), à élevées (plus de quatre unités par jour). Elle a ainsi montré qu’un verre d’alcool par jour, suffirait à réduire la taille du cerveau. À partir de quatre verres par jour, le cerveau vieillirait même de 10 ans.
Heureusement, cette mort des cellules cérébrales n’est pas définitive. A l’arrêt de la consommation d’alcool, on constate une récupération partielle du volume du cerveau, qui s’accompagne d’une amélioration des capacités de mémoire. De nombreux facteurs ont un impact sur cette récupération : l’âge, le sexe, des facteurs génétiques, l’existence d’antécédents familiaux d’addiction à l’alcool, le tabagisme, etc.
L’alcool empêche la neurogenèse
La neurogenèse désigne l’ensemble des processus impliqués dans la formation d’un neurone fonctionnel, à partir des cellules souches de l’embryon.
Cette neurogenèse commence dans l’utérus, se poursuit chez l’enfant, l’adolescent, l’adulte, et on le sait à présent aussi chez le sujet sénior. Contrairement à ce que les scientifiques ont longtemps pensé, la neurogenèse, c’est-à-dire la fabrication par notre cerveau de nouvelles cellules cérébrales, n’atteint pas son apogée à l’âge adulte, avant de lentement décliner. C’est même le contraire : le cerveau humain serait capable de produire en abondance de nouvelles cellules cérébrales, et ce jusqu’à un âge avancé, pouvant aller même au-delà de 90 ans.
Cette neurogenèse observée chez l’adulte est localisée à certaines zones du cerveau, notamment l’hippocampe, et semble jouer un rôle fonctionnel important dans la plasticité cérébrale générale. L’hippocampe est logé dans le lobe temporale du cerveau. Il sert à traiter les informations reçues (mémoire à court terme), avant de les repartir dans d’autres parties du cerveau pour y être stockées (mémoire à long terme).
Ainsi la plasticité cérébrale inclut toutes les modifications biochimiques et cellulaires du cerveau, qui lui permettent de s’adapter aux contraintes externes et internes, en perpétuel changement. La neurogenèse n’est qu’un des éléments de la neuroplasticité.
La consommation régulière d’alcool, réduit le nombre de connexions inter-neuronales au niveau de l’hippocampe. L’alcool diminue la neurogenèse adulte dans l’hippocampe, en affectant la plupart des stades de la neurogenèse : la prolifération cellulaire, la différenciation neuronale, la migration cellulaire, la survie et l’intégration de circuits.
Ainsi, l’alcool provoque principalement une déplétion du pool de cellules souches/progénitrices affectant par conséquent la croissance secondaire des neurones immatures.
Une consommation quotidienne d’alcool, même de façon modérée, réduirait de près de 40% le nombre de cellules produites dans l’hippocampe comme le suggère les chercheurs de l’Université Rutgers.
Les conséquences de la consommation d’alcool sur la mémoire
La consommation d’alcool agit considérablement sur la partie avant du cerveau (le cortex frontal), et sur la partie arrière du cerveau (le cervelet).
Concernant la partie avant, celle-ci intervient dans les processus de raisonnement,de résolution de problèmes, de commande, de comportement en société, notamment la maîtrise de soi. Autant de facteurs qui entrainent donc une baisse des capacités intellectuelles.
C’est pourquoi le fait de boire trop jeune peut causer des dommages irréversibles, qui réduisent les capacités intellectuelles et comportementales, notamment celles portant sur la mémoire et la maîtrise de soi.
Une consommation régulière et/ou excessive d’alcool, peut également être responsable d’une altération des capacités de planification, d’attention, et de prise de décisions. Ces troubles s’observent également chez les personnes souffrant de carences nutritionnelles en particulier en vitamine B.
L’action de l’alcool sur le cervelet (petit cerveau, situé à l’arrière du crâne) entraîne des troubles au niveau de la motricité, de la coordination des mouvements, et de l’équilibre. Cela est déjà observé chez quelqu’un qui a bu beaucoup, en une seule fois.
Une consommation excessive d’alcool de longue durée, peut aussi causer des dommages permanents au cerveau, engendrant le syndrome de Korsakoff. Il s’agit d’une forme sévère de troubles cognitifs. Cette maladie du cerveau se caractérise par une détérioration de la mémoire, une tendance à la fabulation pour compenser les pertes de mémoire, des troubles de l’humeur, et une désorientation dans le temps et dans l’espace, etc.
En définitive
Consommé de l’alcool de façon régulière et/ou excessive, est néfaste pour le cerveau et le cervelet. Non seulement les cellules cérébrales sont plus nombreuses à mourir, mais elles sont aussi moins nombreuses à naître. Ceci est surtout observé en cas d’ivresse prononcée et rapide, encore appelé « binge drinking ». Celui-ci consiste à boire de l’alcool de façon excessive et ponctuelle, pendant un temps très court. La pratique répétée du binge drinking, est à l’origine de problèmes de santé publique majeurs, et en fait la première cause de handicap chez les 10-24 ans.
L’alcool perturbe le bon fonctionnement de la mémoire à court terme et à long terme. Chez les personnes qui présentent une addiction à l’alcool, il peut apparaitre au bout de quelques années, un tableau sévère de démence, caractérisé par le syndrome de Korsakoff.
Heureusement que la mort des cellules cérébrales n’est pas définitive. Elles ont la capacité de se régénérer, à l’arrêt de la consommation d’alcool. Encore faut-il avoir la volonté de sortir de l’addiction à cette drogue que représente l’alcool !
Dr Ettien Félicien
Medecin blogueur
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